Maxence au noir

Maxence P. F., Jusqu'à la lie et l'ortie.
Maxence au noir
40 pages sur papier verger G. Lalo avec neuf dessins au pastel et peinture acrylique, relié avec du fil de laine de couleur aubergine, serti dans un papier bulle transparent entièrement cousi de fil blanc.
14,5 x 21 cm
Achevé en août 2010
_multi, 3 exemplaires

Walking On A Dream by WalkingOnADream

« L’histoire n’est belle que racontée. » Gustave Flaubert, L’éducation sentimentale (1845)
 


















Jusqu’à la lie et l’ortie constitue un recueil de textes inédits tirés d’ouvrages en chantier. Le Christ nu fut rédigé à Florence et Les mâchoires sans douceur fut consigné dans un cahier bleu à Lyon et à Rome. Ils constituent tout deux des extraits d’un livre in progress dédié à Pontormo. La Futaie fut « imaginée » sur une petite île au milieu du Rhône, La première nuit a été notée au septentrion européen, et Le silence à nu fut écrit en pleine mer entre Bergen et Stavanger. Le texte liminaire et la Coda ont été spécialement rédigés pour cet opus.


« Préliminaire

Aller par les chemins jusqu’à la lie, c’est s’en aller complètement sans craindre la caresse des orties qui poussent aux bas-côtés des routes peu usitées. L’ortie n’est pas une herbe qui pique mais une plante qui démange et pousse à se frotter le corps jusqu’au sang pour soulager le feu de la brûlure quand bien même on l’exacerbe en se frottant ainsi.

Il s’agit donc d’aller. Quand on sait que l’on veut autre chose mais que l’on ne sait pas quoi encore, il faudrait aller où l’on ne sait pas, il faudrait faire ce que l’on n’a pas encore fait. Car l’ortie ne pousse pas seulement sur le bord des chemins. On la trouve aussi sur bien des îles, près des fleuves et dans certains vergers. »



« Coda (extrait)
Et si parfois vous vous frottez à l’ortie qui pousse aux abords de la route du paradis, il convient, pour ne pas en rougir, de ne pas y toucher avec les mains, mais d’y laisser perler de la salive que l’on pourra étendre sur la peau en caresses attentives et habiles sur la partie du corps soumise à la démangeaison. »





Hors texte / Supplément

« [les] ombellifères ou porte-parasols, car le mot latin umbella signifie un parasol. [...] Voici donc le caractère propre de la famille des ombellifères. Corolles supère à cinq pétales, cinq étamines, deux styles portés sur un fruit nu disperme, c'est-à-dire composé de deux graines accolées. [...]
Le chardin-roland [...] n'a guère le port d'une ombellifère, et néanmoins c'en est une, puisqu'il en a tous les caractères dans sa fructification. Où trouver, me direz-vous, le chardon-roland ? Par toute la campagne ; tous les grands chemins en sont tapissés à droite et à gauche ; le premier paysan peut vous le montrer, et vous le reconnaîtrez presque vous-même à la couleur bleuâtre ou vert de mer de ses feuilles, à leurs durs piquants, et à leur consistance lisse et coriace comme du parchemin. Mais on peut laisser une plante aussi intraitable ; elle n'a pas assez de beauté pour dédommager les blessures qu'on se fait en les examinant : et fût-elle cent fois plus jolie, ma petite cousine, avec ses petits doigts sensibles, serait bientôt rebutée de caresser une plante de si mauvaise humeur.
[...] Cependant j'ose douter, lisant comme vous savez faire, qu'après une ou deux lectures de ma lettre, une ombellifère en fleur échappe à votre esprit en frappant vos yeux ; et, dans cette saison, vous ne pouvez manquer d'en trouver plusieurs dans les jardins et dans la campagne.
Elles ont, la plupart, les fleurs blanches. Telles sont la carotte, le cerfeuil, le persil, la ciguë, l'angélique, la berce, la berle, la boucage, le chevris ou girole, la perce-pierre, etc. Quelques-unes, comme le fenouil, l'aneth, le panais, sont à fleurs jaunes : il y en a peu à fleurs rougeâtres, et point d'aucune autre couleur. »
Jean-Jacques Rousseau, Lettre cinquième sur la botanique, à Madame Madeleine-Catherine Delessert, le 16 juillet 1772.



L'ortie ne pique pas toujours, et dans l'ortie blanche on peut se rouler allégrement et nu sans risquer de rougir.



« Les ombelles ne font pas d'ombre, mais de l'ombe : c'est plus doux.
Le soleil les attire et le vent les balance. Leur tige est longue et sans raideur. Mais elles tiennent bien en place et sont fidèles à leur talus. »
Francis Ponge, « Les ombelles », Pièces, 1935.

 
Le soleil... le vent... la tige... ce livre... cousu de fil blanc non pour le protéger mais pour en protéger le lecteur...

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