La Sicile est-elle une île ?

Au retour du voyage il est temps de relire ses notes, puis de laisser celles-ci reposer de longs mois, des années parfois, jusqu'à ce que les mots se lèvent.
Des lectures de voyage, il y en a de nombreuses. Et puis il en reste une. Le Voyage en Sicile et à Malte par Patrick Brydone, publié en 1773.

D'une île l'autre ou le récit très incomplet d'un voyage à la recherche d'une île répondant aujourd'hui au nom de Sicile.

fr.m., D'une île l'autre / De la Sicile
106 pages, texte & carte - 15 x 21 cm
Collection Les voyages en train_2
Achevé en novembre 2008 - H.C.
_multi / épuisé

Le monde comprend le passage d'une île l'autre en méditerranée, des corps volubiles, des colonnes torses, un voyage en Sicile, des cadavres accrochés qui grimacent. Un livre, une géographie.




Extraits

« De lieu en lieu, un territoire se crée où le mouvement et l’immobilité se renvoient l’un à l’autre, essartent les géographies jusque là vues et lues. La première fois que je lis Patrick Brydone. C’est la découverte d’une île, d’un territoire de mots en phrases agencées avec de nombreux points virgules. Il s’agit d’un véritable voyage à l’étranger, dans une langue qu’il faut parcourir et s’approprier, celle du dix-huitième siècle.
On marche à s’en aller.
Il s’agit d’un véritable voyage à l’étranger, avec mer et frontière à franchir. C’est la découverte d’une île, d’un territoire plus montagneux que l’on croit ; avec de nombreux sommets où voir la mer. La première fois que je vis la Sicile. De lieux en lieux, elle n’est pas un lieu de plus où partir mais l’endroit où aller.
Chaque homme est en voyage. C’est un être en mouvement, oscillant d’ici à là-bas. »






« Palerme est un parfum entêtant de lys blancs. Elle est le souvenir de cela, très fort, à l’Oratorio Santa Cita, un jour au début de juillet. »





« Palerme est une île plus que la Sicile encore.
Il faut aller comme on cherche quelque chose qu’on ne connaît pas encore et ressentir les couleurs, l’ombre des ruelles, les odeurs épicées, mélangées, déambuler d’un continent à l’autre parmi une population hétéroclite en bien des points – Brydone écrirait pittoresque – et plus ou moins mêlée en communautés indienne, albanaise et asiatique, burkinabé et angolaise. Il faut aller comme on cherche quelque chose dont on ne sait pas dire le nom et sentir qu’on est transpercé par la ville toute entière et les siècles passés, goûter aux panelle des marchands de la rue, aux oratoires stuqués de Serpotta, aux jardins de figuiers de barbarie à San Giovanni degli Ermiti et à la cassata palermitaine. D’un quartier nous allons vers un autre comme on glisse à la surface des feuilles de papier pliées pour former des livres, en s’enfonçant de page en page plus avant dans son corps. La déambulation devient une promenade, une façon d’aller à la découverte comme on suit un chemin inconnu. Nous allons à pieds, beaucoup, et parfois nous prenons un bus sans savoir où il va, nous dirigeant en suivant des yeux les coupoles dressées parmi la ville – coupole bleutée des Théatins ou soutenue par des télamons immenses au Carmine – et changeons de bus quand celui-ci prend une direction opposée à la mer. »